Bishkek-Lenine

De Bishkek au Pic Lénine

Quand il s’agit de rallier Osh, deuxième ville du pays depuis la capitale Bishkek, il faut se préparer à une journée complète de taxi partagé (minimum 13 heures, pauses incluses ; 1200 soms).

Plus on s’éloigne de Bishkek plus la route se fait étroite et sinueuse. Il faut passer un premier col, celui de Tör-Ashuu à 3.586 m d’altitude avant de redescendre dans la belle et verdoyante vallée de Suusamyr. Un répit appréciable avant l’ascension du col de Ala-Bel et ses 3.184 m. On descend enfin sur Toktogul et son lac de barrage à l’eau multicolore (en fonction de la lumière).

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Si Toktogul (Tokto pour les intimes, nom donné en hommage au poète Toktogul Satylganov) peut paraître qu’une simple étape sur la route du sud, le visiteur qui prend son temps pourra profiter de la « passegiata kirghize » en parcourant les allées ombragées de son plan hippodamien.

Il y a aussi une plage, non loin de la ville qui permet de piquer une tête dans le lac de réservoir. Si il n’y a pas pléthore d’hébergement, le Rahat guesthouse est une valeur sûre. Tout ça fait de la ville une halte bien agréable.

Sary Chelek : musique, pique-nique, vodka, cuite !

En continuant la route du sud, on tombe après quelques virages et autres péripéties montagneuses sur Tashkumyr. De là part la route de l’Ouest vers le village d’Arkyt, dernière étape avant le superbe lac à l’eau cristalline de Sary Chelek.

Notre arrivée se fait sous une pluie battante. Pour le camping, ça ne s’annonce pas bien. Nous déjeunons comme nous pouvons sous le regard curieux des kirghiz venus pique-niquer. Invités à une table (ils ont eu pitié de nous) on me propose un verre de vin (jus de raisins alcoolisé serait un terme plus juste). Puis arrive l’incontournable vodka (de voda eau et suffixe ka petite). Un, deux, trois (Charline s’arrête)… cinq, six, sept verres pour l’équipe de France (moi) alors que l’équipe locale fait tourner ses joueurs.

Mais jusque là ça va encore. Le problème survient quand une deuxième équipe kirghiz entre sur le terrain. Là tout s’accélère… fin du match : Kirghizes 1 – 0 Charlie.

Charline doit me coucher avec l’aide du garde chasse dans une petite cahute (tout ça pour ne pas monter la tente sous la pluie). Elle continuera d’écouter la musique et les chants kirghizes accompagnés d’un accordéon et danser avec tout le monde.

Bref c’est sans honneur que je me lève péniblement le lendemain. Plus de pluie, le soleil se lève sur un des joyaux de ce pays. C’est vraiment beau. Il n’y a que le garde chasse et sa famille. Nous avons le lac pour nous au petit matin. Pas un cha… Puis les kiosques se remplissent des familles kirghizes pour le pique-nique du dimanche.

En fin de matinée, alors que nous nous décidons à partir, un groupe de personnes d’un âge certain nous invite à sa table… L’hospitalité locale fait qu’il n’est pas possible de dire « non ». Nous entamons notre descente à pied vers Arkyt avec un peu de retard. Après une pause déjeuner près d’un point d’eau, le minibus transportant nos amis déboule et nous propose de nous raccompagner au village.

Une fois à bord, tout le monde commence à s’ambiancer avec du Boney-M et de la musique kirghiz. Les papis mamies sont en folie, ça danse dans le minibus qui lui se balance sur la route défoncée… c’est un moment incroyable !

Arslanbob, Osh et le pic Lénine

Nous faisons étape dans l’enclave Ouzbek non officielle de Arslanbob ; quand je dis « non officielle », c’est qu’il en existe des officielles mais pas ici. Pourtant une majorité des habitants sont d’origines Ouzbek. Ce gros village est connu et reconnu pour son immense forêt de noyers. D’ordinaire assez tranquille, la bourgade s’anime lors de la récolte du fameux gland de Jupiter (la noix !).

Nous sommes hébergés dans une belle maison chez l’habitant, au CBT n°3. Notre hôte met un point d’honneur à accueillir ses invités. Il échange avec facilité sur la vie quotidienne, sa famille, les traditions ou encore l’histoire de son pays. Nous lui avons demandé ce qu’il avait retenu des années soviétiques à Arslanbob alors qu’il était professeur puis directeur d’école. Il témoigne des bons et des mauvais côtés.

Parmi les côtés positifs, il indique :

  • la nourriture était très peu chère et il y en avait pour tout le monde
  • l’école était gratuite, jusqu’à l’université
  • il n’y avait pas de frontière, le territoire formait un grand pays et il était aisé de se déplacer ; d’autant que le transport ne coûtait pas un kopeck 😉 … Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

Quant aux côtés les plus négatifs, il évoque  :

  • les matériaux de construction étaient chers et disponibles en vente uniquement à la ville
  • « la non démocratie », dit-il sagement sans décrier le système
  • le cinéma qui ne diffusait que des films russes et indiens. Il précise qu’il se souvient du premier film français qu’il a vu, après l’indépendance

Depuis Arslanbob et après quelques heures de « Marshroutka », nous découvrons Osh sous un soleil de plomb. En se rapprochant du sud, l’influence Ouzbek se fait plus présente. Cela se voit des couvre-chefs à l’assiette en passant par les mosquées, de plus en plus présentes. La ville, accueillante, s’organise autour de son bazar, absolument gigantesque où l’on trouve à peu près tout et n’importe quoi. Ce marché ferait presque passer le « Osh bazar » de Bishkek pour une épicerie…

On trouve également au milieu de la ville, un parc d’attractions où les locaux viennent flâner entre une partie d’échecs ou autour d’un vieux Yak (l’avion, pas l’animal). Un peu à l’écart du centre, après avoir demandé notre chemin, nous trouvons LE coutelier de Osh : avec une soupape ou une lame d’amortisseur et une corne de yak (l’animal, pas l’avion), cet artisan talentueux vous fait un superbe couteau ouzbek que chaque homme devrait porter à la ceinture.

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Osh est la dernière ville sur la route du Pamir qui mène au Tadjikistan et au pic Lénine par Sary-Tash, notre destination. Nous rencontrons un couple d’allemands à l’arrêt de marshroutka, avec qui nous partageons ce bout de voyage pour le moins folklorique. Dans le minibus, déjà plein à craquer, il y a deux bidons de 25 litres de jus de framboises prêt à se renverser… et qui se renversent après 5 minutes de route (aucun suspens).

Un peu plus loin (guère plus loin !) nous croisons des vendeurs de pastèques : un premier passager ne peut s’empêcher de sauter sur cette occasion immanquable. Peu à peu, la fièvre acheteuse s’empare d’autres voyageurs et nous repartons avec cinq ou six pastèques qui roulent sous les sièges.

Encore trois arrêts pour éponger un nouvel épanchement de confiture, acheter du liquide de refroidissement et donner de l’argent à un type au bord de la route, nous quittons enfin Osh !

Après ces quelques drôleries qui font la beauté du voyage, il faut passer le col de Taldyk et ses 3.615 m qui ne sont pas une promenade de santé pour les véhicules de toutes tailles qui montent, descendent et se croisent sur cette route de l’impossible.

Une fois l’obstacle passé, la vue sur la vallée de l’Alaï et la chaine de montagnes éponyme est (vraiment) à couper le souffle.

Depuis le village de Sary-Moghol, « le Lénine » se dresse dans la lumière du soir devant nous… et il ne paraitrait même pas si haut que cela si on oubliait que nous sommes déjà à environ 3.000 m.

Encore quelques heures de transport (taxi partagé à 1200 soms) à travers la steppe quasi déserte et nous atteignons le point le plus méridional de notre périple au Kirghizistan, au pied du pic, un peu avant le camp de base.

Nos amis allemands et nous ne sommes pas seuls. Un troupeau de yaks broutent un peu plus bas et des marmottes courent un peu partout en poussant des cris aigus quand nous approchons ; à part ça, il n’y a pas un chat !

Nous passons une nuit difficile avec au programme 7 heures de pluie orageuses et une Charline malade. Mais le lendemain, la vue du pic est dégagée et nous en profitons toute la matinée.

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Les photos faites, la tente pliée, tout juste avant un nouvel orage, nous repartons pour Osh puis en direction de Bishkek le lendemain.