Amritsar

De Amritsar au Pendjab ...

Ce passage au Pendjab nous avait été chaudement recommandé par un voyageur rencontré au festival folklorique de Son Kul au Kirghizistan, en particulier la gastronomie locale. Un autre voyageur également rencontré au Kirghizistan, mais Turc celui-là, m’avait longuement parlé de l’Inde, pays qu’il appréciait beaucoup. Un sacré personnage : ingénieur matériaux, reconverti dans l’IT et re-reconverti dans la cuisine gastronomique. Yigit Mirzaoglu est le premier chef turc à officier lors de la cérémonie des Oscars (en cuisine).

Nous débarquons du train aux aurores et enchainons avec une âpre négociation de rickshaw pour nous rendre à notre hébergement. Les formalités terminées, nous découvrons des rues quasi propres (pour le standard indien). Devant le temple d’or, cela devient incroyable : une esplanade de marbre blanc immaculée. Nous laissons chaussures et chaussettes à l’entrée auprès des bénévoles en charge de la consigne. Un pédiluve plus loin, nous pénétrons dans l’enceinte sacrée. Écoutant la litanie, les dévots tournent autour du saint des saints dans le plus grand calme. Ici c’est la distribution de nourriture, là celle de l’eau ; un peu plus loin, des femmes s’affairent à laver les écuelles. Puis soudain un commando munis de balais débarque pour nettoyer le sol. Ce balai se déroule jour et nuit pour ne s’arrêter que quelques heures. Il donne à ce lieu une énergie magnifique.

Le temple d’or ou Harmandir Sahib (« l’Illustre Temple de Dieu ») est le lieu le plus saint des Sikhs (« disciple »). Il a été construit en 1601 sur le lieu de meditation du Gurû (« maitre, professeur ») Nanak, fondateur du sikhisme. Il base sa nouvelle foi sur le constat que la religion devrait etre un lien pour unir les Hommes, alors que dans la pratique elle les monte les uns contre les autres et est à l’origine de nombreuses discriminations (sexuelles, ethniques, religieuses et de castes). De part son éducation, il fait la synthèse de l’islam et de l’hindouisme. Il considère que toutes les religions peuvent mener vers Dieu mais que si elle sert à se croire supérieur aux autres, il ne s’agit pas de religiosité mais de vanité humaine…

Malheureusement, Amritsar ne sera pas toujours un lieu où règne la tolérance et le respect de son prochain. La ville est même le théâtre d’horreurs, connues sous le nom de massacre de Jallianwala Bagh, qui feraient passer les soldat de la division SS Das Reich pour des enfants de cœur.

Reginal Dyer

Le 13 avril 1919, le commandant militaire de la ville, un certain Reginal Dyer, dont la fils-de-puterie et le sadisme forcent l’admiration (vous allez voir) signifie à la population que les rassemblements de plus de 4 personnes sont interdits et qu’un couvre feu est mis en place à 20h. En ce jour la ville est pleine de pèlerins mais aussi de commerçants qui voient les portes du marché fermées par la police à 14h.

Tout ce beau monde se retrouve prés du Jallianwala Bagh, un jardin muré quasiment de toute part avec une seule entrée principale et quelques sorties très étroites. Dyer fait survoler le Bagh par un avion qui dénombre entre 6 000 (nombre donné par Dyer) et 20 000 (estimation de la commission d’enquête) personnes qui s’y retrouvent en fin d’après-midi.

Dyer fait bloquer l’entrée principale par 90 soldats et 2 auto-mitrailleuses (qui ne peuvent pas passer l’étroitesse de l’entrée) puis ordonne à 50 de ses hommes de tirer dans la foule (désarmée), sans sommation.

La tuerie, perpétrée par des soldats indiens, dure une dizaine de minutes… non pas car Dyer fait cesser le feu mais par épuisement des munitions des 50 tireurs (1 650 cartouches). Le nombre de victimes fait encore débat aujourd’hui et les estimations varient entre 379 et 1000 morts.

Vue du Bagh quelques mois après le massacre

Dyer expliquera plus tard a la commission d’enquête qu’il voulait répandre la terreur ; à la question du pourquoi il n’a pas porté secours aux blessés, il répond :

« Certainly not. It was not my job. Hospitals were open and they could have gone there. »

(facile avec l’interdiction de circuler due au couvre-feu ; lol !)

Je vous laisse admirer la réponse à une autre question de la même commission :

« Supposing the passage was sufficient to allow the armoured cars to go in, would you have opened fire with the machine guns ?
Dyer: I think probably, yes ».

Impacts de balles sur un des murs du Bagh

La loi martiale est imposée au Penjab par le Gouverneur O’Dwyer le 16 avril… Mais anti-datée au 30 mars (pratique non ?). Le 19, Dyer impose aux indiens passant dans la ruelle où à été lynchée l’enseignante de ramper sur environ 150m, non sans subir quelques autres sévices et humiliations.
Je vous laisse lire cet article à propos de ce qu’on appelle le « crawling order ».

Épilogue : Dyer se fera à peine taper sur les doigts ; quant au gouverneur O’Dwyer, il sera tué par un des blessés du massacre. Cet épisode est considéré par beaucoup comme le début de la fin du Raj Britannique.

La ville sera hélas, mille fois hélas, le théâtre d’autres événements sanglants et la violence n’engendrera que la violence. Je vous renvoie à l’article wikipedia suivant si le cœur vous en dit.

Pour finir sur une note (peut être) plus positive et surtout un peu folklorique, nous avons assisté à la cérémonie de fermeture quotidienne de la frontière indo-pakistanaise entre les villages de Attari (coté indien) et Wagah (coté pakistanais), à environ 30 km d’Amristar.

De part et d’autre de la frontière, une foule est rassemblée dans des tribunes, assourdie par une sono énorme et survoltée dans une ferveur patriotique par un chauffeur de salle qui soigne son look à la Freddie Mercury.

Puis, les gardes-frontières des deux camps adoptent une succession de postures et attitudes de défiance au cours d’un show bien huilé. S’en suit, la descente des couleurs qui doit s’effectuer à la même vitesse de part et d’autre. Enfin deux soldats se rejoignent pour se serrer la main, avant que les deux portails matérialisant la frontière ne soient fermés.

Conquis par les multiples facettes de cet Etat de l’Inde, nous sommes vraiment contents d’avoir pu en découvrir quelques unes. Il nous faut prendre de nouveau un rickshaw qui nous amène à notre train en direction de New Delhi … Puis se sera le train train de Agra à Calcutta en passant par Varanasi.