Turquie

Turkish Bazar

Nous débarquons à Marmaris, station balnéaire bien connu du sud de la Turquie, où nous avons passé le strict minimum de temps pour prendre le « dolmuş » vers Fethiye. Sur une route pour automobiles (2 x 2 voies) flambant neuve et gratuite (petite pensée sarcastique pour nos autoroutes), nous voyons défiler les constructions fraichement sorties de terre avec leurs crépis impeccables… Puis c’est une succession de viaducs et de tunnels, sur cette route toujours gratuite, qui me laisse en admiration pour le génie civil local !

Aujourd’hui, la Turquie, se modernise à « toute vapeur » pour paraphraser Mustafa Kemal dit « Atatürk » (litt Turc-Père). Il débute des études coraniques, mais n’en déplaise à Erdogan, c’est lui qui a laïcisé l’état turc en 1923, non sans avoir aboli, le sultanat, proclamé la république et donné le droit de vote aux femmes (14 ans avant la France), en prenant pour modèle la Révolution Française.

Chef militaire reconnu (notamment après la bataille des Dardanelles), homme politique entreprenant, charismatique et plutôt beau garçon (à tendance bisexuel), il est encore aujourd’hui omniprésent : son nom orne un stade olympique, un barrage et des universités ; son effigie se trouve absolument partout du restaurant au coiffeur, en poster, puzzle ou encore en point de croix…

C’est peut être lui qui décrit le mieux l’ambivalence entre une Turquie conservatrice et une plus moderne, qui prévaut encore aujourd’hui : il oppose le visage du quartier du Péra de Constantinople (de nos jours, Beyoğlu à Istanbul) avec ses théâtres, ses ambassades, ses salles de jeu, clubs, tavernes et autres lieux de plaisir (ndlr bordels), à celui du quartier situé au sud de la Corne d’Or, où se trouve la cité musulmane avec « ses rues tortueuses, des hommes arrêtant leur activité dès que l’appel à la prière retentit pour se précipiter dans les mosquées et des femmes dans leurs tchadors » qu’il décrit comme « des fantômes noirs rasant les murs ».

Fethiye donc, autrefois un paisible petit village de pêcheur, est aujourd’hui une véritable ville, dont il faut aller chercher le charme loin des hôtels du bord de mer. Dans les quartiers un peu plus populaires, les nombreuses Renault 12 garées ici et là rappellent les années 70.

Pour la petite histoire, cette voiture produite sous licence a été la plus vendue de Turquie (700.000 exemplaires) et produite jusqu’en 1999… Mais bref, Fethiye c’est aussi là le point de départ de la voie Lycienne, un chemin de randonnée qui longe la côte jusqu’à Antalya.

C’est aussi là que nous avons eu le plaisir de rencontrer Fabienne et Benoit, deux nomades et blogueurs « professionnels » suisses. Eux tournent depuis 2013 et leur blog « Novo Monde » est une vraie mine d’informations pour le voyage.

Nous prenons l’avion direction Istanbul. A notre arrivée, peu avant la deuxième élection municipale (après l’annulation de la première) et les vacances du Ramazan, le climat est tendu. Des nombreux policiers armés sont en faction un peu partout autour de la place Taksim, accompagnés de plusieurs véhicules anti-emeutes. La place elle-même est bouclée.

L’enjeu est de taille : plus de 16 millions de stanbouliotes habitent la ville qui est la plus riche du pays. La manne financière pour l’heureux élu est particulièrement importante. Et le maire de la ville est en général en bonne voie pour la prochaine présidentielle. Bref, Erdogan veut voir son poulain gagné (spoiler : ça ne sera pas le cas).

Car, si il y a bien un truc que Recep Tayyip Erdoğan n’aime pas, c’est bien la contestation et les gens qui ne pensent pas comme lui.

Derrière sa petite moustache islamo-fachiste qui fait « fureur », il a fait limoger environ 100.000 fonctionnaires dont quelques 9000 policiers, 500 universitaires et près de 3900 autres appartenant à l’armée (garante de la laïcité) ou à la justice. Je vous le disais, le bonhomme est « deutsche qualität », mais il ne s’arrête pas là !

En avril 2017 (et c’est toujours le cas depuis) il fait bloquer le site subversif Wikipedia qu’il accuse de mener une campagne de dénigrement contre la Turquie…

Hasard de la vie, on trouve sur l’Encyclopédie des détails sur la petite entreprise familiale qui entre autres activités, blanchissait le pétrole de l’état islamique (mais pas que !). Dans la famille Erdogan, on commence par le gendre Berat Albayrak, ministre de l’énergie, les fils, le frère, etc… Ce petit monde a tout de même permis à la famille de s’enrichir de plusieurs dizaines de millions de dollars.

Après cet interlude stanbouliote, nous nous rendons à Trabzon dans l’est de la Turquie, grande ville portuaire sur le bord de la mer… de la mer …?

Notre but est de visiter l’arrière pays avec ses montagnes et ses plantations de thé. Ces Alpes turques, sont un des endroits que nous avons préféré. Nous commençons par Livera et son camping au dessus de Maçka. Suivent les hameaux perchés de Lüstra et de Karester qui surplombent Uzungöl. Nous redescendons ensuite sur la côte en direction de Çayeli et ses plantations de thé, avant de remonter vers le charmant petit village de Balliköy sur le plateau d’Anzer. Sur conseil d’un local, nous nous enfonçons jusqu’à Olgunlar.

Après cette retraite, nous prenons le bus (le bus est une institution en Turquie, autant que le Kebab) pour Göreme et la Cappadoce. Après le calme des montagnes, l’effervescence touristique nous désarçonne quelque peu. Il y a tout de même suffisamment de chemins et de sites à voir pour s’affranchir des bus qui vomissent leurs hordes de touristes chinois et il y a des coins vraiment magiques à découvrir.

Ayant fait le plein de touristes, nous décidons de faire étape à Konya en Anatolie. La ville aux 3.000 mosquées, connue pour ses derviches tourneurs, est réputée conservatrice, mais une petite visite permet de lever le voile sur le mausolée richement décoré du poète Djalal al-Din Rumi dit « Mavlana ». Le bazar de la ville vaut aussi largement une visite ; entre mosquées et petites échoppes vendant tout et n’importe quoi, il est facile de se perdre et de se laisser aller au rythme de la vie locale.

Nous replongeons dans le tourisme de masse en nous dirigeant vers Pamukkale, site archéologique à coté de la ville de Denizli. Si il n’y a rien à voir à Denizli, en revanche, les habitants sont aux petits soins envers le peu de touristes qui daignent s’intéresser à leur ville ; ce qui fût notre cas.

Avant d’arriver à Izmir, nous faisons un stop sur la route pour visiter les ruines d’Ephèse. Ces ruines permettent d’imaginer le niveau de développement des civilisations grecque et romaine de l’époque ; voyage dans le temps garanti.

Izmir, dernière étape de notre périple turc, est une ville accueillante. Pas aussi occidentalisée qu’Istanbul et pas aussi conservatrice que Konya, elle offre quelques sites intéressants à visiter, mais nos regards se tournent déjà vers notre prochaine destination…